ARCHITECTE BAROQUE
l’Église au début du XVIIe siècle à la suite des préceptes de la Contre-Réforme souhaitait ré-imposer le catholicisme et son pouvoir contesté. Contre l’austérité protestante il fallait magnifier le message religieux du Pape.
L’œuvre et les écrits de Borromini témoignent d’une connaissance très large de l’Antiquité et d’une capacité, à détourner les modèles esthétiques Architecturaux existants. La liberté qu’il manifesta envers les règles « en vigueur », et les formes nouvelles qu’il inventa furent transmises par Guarini en Europe centrale. Elles vont en influencer l’Architecture, elles vont développer un style Baroque qui deviendra durable, célèbre et encore stupéfiant de nos jours.
LES INVENTIONS DE FRANCESCO BORROMINI SERVENT L’ART PLUS QUE L’EGLISE
par Guidu Antonietti di Cinarca
SA VIE
Une exubérante recherche de libération par l’espace construit
Francesco Castelli dit Francesco Borromini Architecte et sculpteur italien (Bissone, près de Lugano, 1599 – Rome, 1667. ) est la Figure de proue d’une génération d’Architectes que l’on peut qualifier de « baroques » ; Son œuvre se déploie dans la première moitié du XVIIe siècle.
Il reçu une formation de tailleur de pierre à Milan dès l’âge de neuf ans et rejoignit une corporation oeuvrant à Rome sur les divers chantiers pontificaux de l’époque, notamment pour la restauration de la basilique Saint-Pierre. Il y étudiât longuement l’Architecture de Michel-ange en réalisant des sculptures d’ornements. Il suivit assidûment les recommandations de son maître Carlo Maderno Architecte pontifical et, peu à peu, entama une carrière d’Architecte pour devenir un des principaux acteurs du Seicento ( XVIIe siècle) romain. « Je ne suis pas né pour être copiste » affirmait-il en revendiquant sa parenté avec Michel-ange.
Carlo Maderno lui enseigne la géométrie et l’engage comme assistant pour ses travaux du Palazzo Barberini. Il devient aussi le collaborateur du Bernin. En 1634, l’ordre des Trinitaires lui commande le couvent Sant Carlo alle Quattro Fontane qui sera sa première œuvre religieuse personnelle, la première d’une longue série. Le référent fondamental de Borromini est l’Antiquité romaine. Plus particulièrement les édifices tardifs, ceux que Vitruve ne décrivit pas. Nombres de ses projets sont inspirés de façon sublimée de monuments antiques ( époque d’Hadrien ) , alors peu considérés. Ses projets novateurs seront nombreux . Célibataire orgueilleux et susceptible, toute sa vie durant il se consacrera à son Art d’invention, qu’il souhaitait indépendant, libre, iconoclaste et lyrique.
Atteint de mélancolie FRANCESCO BORROMINI se suicide en 1667.
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SON ŒUVRE
La combinaison patiente de la géométrie avec la connaissance de l’antiquité
L’intérêt que Borromini portait à l’Antiquité l’ éloignera de la rigueur classique, credo caractéristique de la génération qui le précéda. Il se livra à des expérimentations spatiales inédites avant lui. Maniant avec respect les Ordres Architecturaux ( canons intangibles de sa discipline ) il conçut des ensembles complexes, lisibles dans des perspective tracées à partir de plusieurs centres.
Il utilisa la ligne courbe pour créer la surprise et le mirage ; les ornements ne servant que de fonction emblématique. Son Architecture monumentale s’ insérait avec stupéfaction à l’ environnement urbain. Respectant la tradition, il voulait un système Architectural inspiré du vivant comme organisme, ainsi qu’il la définit dans son traité Opus Architectonicum, précurseur de l’Architecture Organique du XXe siècle .
Ses recherche en volumes, par des plans savants, ses décors délicats vont toutes s’assembler dans les nombreuses églises qui lui seront confiées tout au long de sa carrière . Le fil conducteur de son art résidait dans une volonté de tracer des édifices aux volumes unifiés par des lignes Architecturales apparemment désunies. Sa passion pour la géométrie l’autorisa à adopter des solutions audacieuses.
Sant’Ivo della Sapienza (1642) en est l’illustration la plus aboutie. Cette chapelle voit courbes et contre-courbes se répondrent dans un ensemble d’harmonie exemplaire. le plan, d’une grande complexité géométrique parle d’une signification symbolique très élaborée, il transporte l’ âme dans un mouvement ascensionnel jusqu’à l’extrémité de la forme hélicoïdale du lanternon. San Carlino alle quattro fontane (1667), achevée à la fin de sa vie est le manifeste ciselé de son inventivité . le plan y compose ellipses et figures triangulaires dans une grande unité par le truchement d’un jeu de lumière souligné de lignes ondulées qui, accompagnent les articulations, scandant les masses entre elles. La vibration des parois murales fait s’animer des lignes droites et concaves alternées. La décoration cependant reste sobre, et c’est la réalisation du couvrement, rythmé par les caissons de la lanterne, qui permet Borromini de signer toute sa virtuosité à combiner les figures géométriques délicates. Le sens précis qu’il entendait donné à chaque élément architectural est particulièrement lisible sur la façade de l’église Sainte Agnès, bâtie place Navone, dont la concavité ébahie focalise l’attention sur la coupole centrale. Le pape Innocent X le préféra au Bernin, et en fit son Architecte officiel en lui confiant la modernisation de Saint Jean de Latran. Borromini réalisa aussi des travaux pour des clients privés, alternant l’édification de villas et d’églises. Il réussit notamment une curiosité, au palais Spada, en créant une galerie qui révèlera ses choix virtuoses, référence explicite à la perspective accélérée en trompe l’ œil de Andréa Palladio ( son aîné de quasiment un siècle ) au théâtre olympique de Vicence .
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SON HERITAGE
La modernité de son temps, aujourd’hui encore parle d’ irrévérence
Ses bâtiments définissent une conception baroque moins monumentale que celle de Il Bernini qui se posait comme son rival et qui qualifiait l’œuvre de son cadet de un an seulement de “ libertine et hérétique ” un jugement envieux, sous couvert de morale. Récusant toute imitation il a explicité ses choix artistiques dans un ouvrage ”Opus Architectonicum ”qui expose ses emprunts métabolisés à la culture antique. Sa luxuriance et sa quête de liberté de l’espace remplie de vide en mouvement eut un retentissement majeur sur l’Architecture baroque dans son ensemble.
Son héritage, plus tardivement au XVIIIe siècle, donnera le Style Rococo que d’aucuns confondent avec le style Baroque, aux antipodes en fait des inventions aériennes de Borromini. Borromini en travaillant dans la légèreté, livrait de la grâce et du rythme. Il aimait les trompe-l’œil, les surprises, les hyperboles et les obliques, les plans dynamiques, les articulations insolites et ouvertes, les volumes généreux presque féminins. La jubilation. Pas les viennoiseries sucrées indigeste et parfois obscènes du Rococo.
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DOCUMENT
Tentative de suicide (Déclaration de Francesco Borromini) Rome, le 2 août 1667.
”Je suis ainsi blessé depuis ce matin, depuis environ huit heures et demie, d’une façon que je dirai à Votre Seigneurie, et que me retrouvant ainsi malade depuis le jour de la Madeleine, je ne suis plus sorti, sauf le samedi et le dimanche, où j’allai à San Giovanni pour le jubilée, et que considérant mon indisposition, je songeai hier soir à faire testament et à l’écrire de ma propre main. Je commençai alors à l’écrire, et y travaillai depuis une heure environ après mon repas, et travaillai ainsi en écrivant avec le crayon jusqu’à trois heures de la nuit environ. Maître Francesco Massari, un jeune homme qui me sert à la maison et qui est aussi maître maçon à l’atelier de Santo Giovanni de’ Fiorentini, dont je suis architecte, et qui dormait dans l’autre chambre pour me garder, était allé se coucher, s’apercevant que j’étais toujours là à écrire et s’étant aperçu aussi que je n’avais pas éteint la lampe, il m’appela en disant : « Messire Chevalier : il vaut mieux que Votre Seigneurie éteigne la lumière et se repose parce qu’il est tard. » Je lui répondis que je ne saurais pas rallumer la lampe lorsque je me serais réveillé, et il me dit : « éteignez-la, car je l’allumerai moi lorsque vous serez réveillé », et je cessai donc d’écrire ; je rangeai le papier écrit en partie et la pointe de crayon avec laquelle j’écrivais ; j’éteignis la lampe et allai reposer. Vers cinq ou six heures environ, m’étant réveillé, j’ai appelé Francesco et je lui ai dit : « Il est temps de rallumer la lampe », et il m’a répondu : « Non Monsieur. » Et moi, ayant entendu sa réponse, j’en ai éprouvé une telle impatience que j’ai commencé à songer à la façon dont je pourrais faire quelque mal à ma propre personne, puisque ce dénommé Francesco avait refusé d’allumer la lampe, et je suis resté ainsi préoccupé jusqu’à huit heures et demie environ. Finalement, m’étant souvenu que mon épée était là dans ma chambre à la tête de mon lit, avec accrochée à elle des cierges bénis, et éprouvant aussi un agacement croissant parce que je n’avais pas de lumière, au désespoir j’ai pris ladite épée, puis l’ayant tirée de son fourreau, j’ai fixé sa poignée dans mon lit avec la pointe vers mon flanc, puis je me suis jeté sur l’épée faisant en sorte qu’elle entre par la force dans mon corps, et j’ai été transpercé de part en part, et en me jetant sur l’épée, je suis tombé avec elle sur le pavement, et je me suis blessé, et j’ai commencé à hurler, alors Francesco est accouru, et il a ouvert la fenêtre alors que le jour était déjà levé, et il m’a trouvé sur le sol, et lui et d’autres qu’il avait appelé m’ont ôté cette épée du flanc. Puis on m’a remis au lit, et c’est ainsi que s’est déroulée l’histoire de ma blessure. ”
LE BAROQUE DE BORROMINI EN IMAGES PAR TINO GRISI – © ARCH. 2002 – : San Carlino alle quattro fontane
IL CAVALIERE BERNINI PHOTOS DE PIERRE MASLARD
Cet article est dédié à Alain Douangmanivanh,alias Al Doman Architecte, fondateur directeur de la publication et webmaster de aROOTS dont l’anniversaire est le même que celui de Francesco Borromini, et sans lequel ce texte et tous ceux qui figurent dans ce site n’auraient pu être publiés.
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